Il y a 4 ans, le MR et Charles Michel faisaient retentir un couac dans le paysage politique belge. En effet, ce parti de centre droit, sans majorité au sein du groupe francophone à la chambre, s’associait à divers partis flamands pour former un gouvernement, dont la NV-A, premier parti de Flandre et régulièrement étiqueté « extrême droite », comme à peu près tout ce qui ne correspond pas à la doxa en vigueur. Allait-on enfin en finir avec les scories de gauche qui plombent la Wallonie depuis les années 70 ? Certains l’espéraient et malgré les huées des autres partis francophones, c’est-à-dire le PS, gauche historique, Ecolo, gauche verte, le CDH, gauche qui se cherche et DéFi, gauche mendiante, le MR forma donc son gouvernement avec la diabolique NV-A et quelques partis flamands pour faire l’appoint, et dirige le pays depuis.
La presse francophone, qu’Yvan Rioufol compara un jour avec perspicacité à un « robinet d’eau tiède » s’enflamma, mais Charles Michel tint bon. Et pour parachever ce tableau du retour des heures les plus sombres de notre histoire dont on ne se lasse pas, la NV-A envoya le bouillonnant Théo Francken s’occuper du droit d’asile et des migrations où il obtint, contre vents et marrées, quelques succès dans la lutte contre le trafic d’êtres humains.
Une voie royale pour les libéraux
Le hasard faisant bien les choses, ou mal, c’est selon, les scandales financiers où la gauche francophone était très largement compromise, s’étalaient au grand jour et les électeurs médusés découvraient que les jetons de présence de l’Intercommunale PUBLIFIN atteignaient jusqu’à 500 euros la minute ou qu’Yvan Mayeur, ancien bourgmestre PS de Bruxelles et dégoulinant de moraline, se sucrait et arrosait sa compagne sur le compte du Samu Social censé secourir les plus démunis. Le contexte était donc des plus favorable pour imposer au cargo « Belgique » un virage qui aurait pu le mener vers un véritable libéralisme. D’autant que la NV-A, toujours très sourcilleuse sur la question de l’identité flamande, semblait avoir enfin capté que celle-ci n’était pas menacée par les francophones – qui sont en Flandre depuis toujours – et qu’il ne fallait pas se tromper de cible. La paix communautaire semblait s’installer pour longtemps. Difficile de rêver mieux.
Mais gouverner, c’est prévoir et Charles Michel ne quitte pas des yeux la date du dimanche 26 mai 2019. C’est ce jour-là que les Belges retourneront aux urnes renouveler la chambre et le sénat qui, à leur tour, désigneront le prochain gouvernement. Les cartes ainsi rebattues, Charles Michel devra peut-être alors composer avec la gauche wallonne. Ainsi, en décembre passé annonçait-il la sortie du nucléaire pour 2025, sans expliquer s’il faudrait s’éclairer à la bougie ou rouvrir les proprettes mines de charbon. Ce fut le premier désaccord avec la pragmatique NV-A peu désireuse de plonger le pays dans l’obscurité et la première main tendue à l’électorat écolo.
2019 dans le viseur
Le suivant est tout frais. Charles Michel martèle que la Belgique, contrairement à bien d’autres pays, signera à Marrakech le traité onusien sur les migrations qui livrera les pays occidentaux aux diverses vagues migratoires. Théo Francken, à qui Charles Michel proposa élégamment de l’accompagner au Maroc pour « porter ses valises », s’y oppose, soutenu par la NV-A, par une partie dont on ignore l’importance de la population et même par de nombreux membres du MR. Et comme l’accueil des migrants est une opération très couteuse, le même Charles Michel, commentant les actions des « Gilets Jaunes », affirme qu’il maintiendra le tabassage fiscal dont les Belges sont agonis. La gauche a donc deux raisons de se réjouir : le gouvernement se déchire et le premier ministre leur fait des promesses inespérées. Par contre, au MR, des voix de plus en plus insistantes s’élèvent pour protester contre ces étranges stratégies. Après les prochaines élections, Charles Michel sera peut-être encore au gouvernement, mais sera-t-il encore au MR ?