Ceux qui, en 1973, avaient lu Alain Peyrefitte, frémissaient à l’idée que la Chine s’éveillerait, avant d’eux-mêmes somnoler devant le 20H de Roger Gicquel. La Chine, c’était loin, Internet n’existait pas encore et les voyages intercontinentaux étaient rares. La plus jeune génération, elle, s’était inquiétée, à la lecture de « Turbulences » de Michael Crichton, d’apprendre que notre technologie de pointe était livrée sans émoi à l’industrie chinoise.
De temps à autre, la presse nous rappelait la présence de plus en plus massive de la Chine en Afrique, pas toujours au goût des Africains, d’ailleurs. Le pays de Mao était donc bien présent dans l’un ou l’autre recoin de nos cervelles, mais nos cervelles étaient très occupées par d’autres tâches jusqu’à ce que, avec retard, on apprenne qu’un virus s’était échappé d’un laboratoire de Wuhan. Sans surprise, quelques complotistes, dignes héritiers de ceux qui imaginaient des orgies vaticanes ou voyaient la main des « 300 familles » à chaque coup du sort, enfourchèrent leur dada. C’était un coup du grand capitâââl, des Juifs, de Big Pharma ou des Illuminati. Alors qu’un virus qui s’échappe d’un labo, franchement, ça peut arriver, moi-même je ne sais plus où j’ai déposé mes lunettes.
Il n’empêche que par la grâce de ce Covid, beaucoup s’écrient aujourd’hui que nous sommes en train d’épouser les mœurs d’une des plus féroces dictatures au monde : la reconnaissance faciale, le contrôle aigu de chacun, le port du masque, la délation obligatoire, l’absence de toute liberté individuelle et des forces de l’ordre implacables face à tout discours déviant. En effet, l’habitude occidentale en cas d’épidémie, c’était plutôt celle du lazaret et de l’isolement des personnes fragiles, en ce cas, les personnes immunodéprimées, diabétiques, etc. afin les protéger. Mais on n’avait encore jamais pensé à confiner une population saine, comme le fit immédiatement la Chine. Ces méthodes de l’Empire du Milieu en effrayent plus d’un et les réseaux sociaux vrombissent de mises en garde.
Vert de Chine
Cependant, si l’on veut bien jeter un coup d’œil dans le rétroviseur, nous constaterons que bien des usages chinois étaient déjà implantés chez nous, principalement par le fait de l’écologie politique qui, élue ou pas, phagocyte tous les dossiers. Nos villes, de moins en moins vivables, sont envahies de vélos et les transports en commun y sont bondés. Au nom de la décroissance humaine chère aux ours polaires, nous avons adopté la politique de l’enfant unique, voire de pas d’enfants du tout. Le logement privé devient immoral et nous sommes sévèrement priés d’adopter, en applaudissant, les logements collectifs limités à quelques mètres carrés par personne. Les avoirs privés sont de plus en plus confisqués par l’Etat et il est très difficile de savoir ce qu’il en fait. Les programmes électoraux d’ECOLO prévoient même un rationnement de la nourriture et particulièrement de la viande, calqué sur les « Coupons de riz » qui limitent l’alimentation des Chinois. On pourrait multiplier les exemples et force est de constater que nous vivions déjà dans un schéma de dictature maoïste. Pour que la coercition soit complète, seuls manquaient l’outil, mais cette lacune est aujourd’hui comblée car il devient rare de croiser quelqu’un qui ne soit pas équipé d’un Smartphone, et l’élément déclencheur qui allait nous faire consentir au totalitarisme, c’est-à-dire la peur collectivisée d’un ennemi impalpable et omniprésent. On y est, la nuit, pas forcément câline, s’étend peu à peu.
Tout bien réfléchi, ce soir, je ne ferai pas de nouilles sautées au soja. Vive le bœuf bourguignon !
Côté dictature maoïste, je crains que nous n’ayons encore rien vu: une simple recherche sur « cognitive warfare » nous apprend que, désormais, nous aurons l’insigne privilège de passer du statut de « chair à canon » à celui de « canon » tout court. Il n’est qu’à voir comment cette dernière crise a conduit nombre de paisibles citoyens à se transformer en agent de renseignement / garde chiourme / zélateur de la nouvelle doxa du grand sacrifice de chacun pour le bien de tous.
En attendant, quel plaisir de vous lire après un si long silence et je vais de ce pas sortir ma cocotte!
Je crains que vous n’ayez raison, le kapo qui sommeille chez beaucoup ne demandait qu’à se réveiller.